Senior et travailleur handicapé : La double peine

Nous vivons dans un monde en crise où l'on a trop souvent tendance à considérer que les demandeurs d'emploi qui ont dépassé la cinquantaine et que l'on appelle pudiquement les « jeunes seniors » parce qu'ils sont encore dans l'âge légal de travailler, ne sont bons qu'à être jetés au rebut de la société. Mais lorsque la même personne cumule à la fois les problèmes liés à l'âge et au handicap, ses probabilités de réinsertion professionnelle sont infimes, et pour certains qui ne bénéficient d'aucune qualification, quasiment nulles. 

Moi, Robert Ledoux, 55 ans, travailleur handicapé

 

Nous avons recueilli le témoignage de Robert, 55 ans, ancien éducateur sportif, accidenté depuis l'âge de 40 ans et reconnu travailleur handicapé par la COTOREP en 2001. Son témoignage est édifiant quant aux difficultés rencontrées pour obtenir un emploi durable, voire un emploi saisonnier ou en contrat à durée déterminée.

« Le jour de mon accident, j'ai cru que le ciel me tombait sur la tête. J'effectuais le balisage et la mise en conformité d'une piste de ski avant la compétition lorsque j'ai glissé sur une plaque de verglas à plus de 80 km/h. Après un an de rééducation, j'ai pu remarcher à peu près normalement mais, pour moi, le sport, qui depuis plus de 20 ans était l'une de mes raisons de vivre, c'était fini, définitivement fini! »

« Pour obtenir une reconnaissance de travailleur handicapé », poursuit Robert, « j'ai dû me faire examiner sous toutes les coutures par plusieurs médecins de la sécurité sociale. Vous allez trouver un emploi rapidement grâce aux aides attribuées à l'embauche, me disait-on par-ci, vous allez être accompagné dans vos démarches de recherche d'emploi, me disait-on par-là. Mais les années ont passé et les petits boulots, les CDD, les emplois saisonniers, les vacations de tout genre se sont succédés sans jamais déboucher sur un emploi stable et durable.

Au début, sur les conseils de Pôle emploi, j'accompagnais toujours mes dossiers de candidature d'un fascicule explicatif des avantages à l'embauche d'un travailleur handicapé pour les employeurs. Et puis j'ai arrêté, constatant que cela n'augmentait pas mes chances de trouver un emploi stable. Pire encore, lors d'un entretien d'embauche pour un poste de réceptionniste de nuit, je me suis fait évincer de manière ferme et embarrassée par le directeur de l'établissement car selon lui je n'étais pas apte à faire évacuer l'hôtel (100 chambres) en cas d'incendie. À l'époque, j'avais une petite quarantaine d'années et encore bon espoir de trouver du travail. Mais au handicap physique est venu se joindre un autre handicap, celui de l'âge et je me suis senti un peu plus écarté du monde des actifs.

 

Arrivé à la cinquantaine, alors que je cherchais à cacher ma légère claudication, je me suis vu refuser des postes pour des motifs complètement arbitraires de la part de certains employeurs : « le chef d'équipe à 25 ans, il ne va pas oser vous donner des ordres  ou  je n'embauche jamais des gens de votre âge, ils savent tout, ils contestent tout et tombent souvent malades, je préfère employer des jeunes, ils sont plus faciles à diriger, plus résistants aussi. » Bien sûr, tous les employeurs ne réagissent pas de cette façon péremptoire et beaucoup doivent faire des choix difficiles face à la montée du chômage et des difficultés économiques du pays. Handicapés ou valides, jeunes ou moins jeunes, le flot de demandeurs d'emploi ne fait que progresser d'années en années et semble intarissable.

Dans un précédent dossier, nous avons évoqué les difficultés des personnes âgées de plus de 50 ans face à l'emploi. Le handicap est tout aussi préjudiciable et lorsque les deux, handicap et âge s'additionnent, les perspectives deviennent bien sombres. Et pourtant, des nombreux dispositifs existent pour aider les actifs handicapés de tout âge à trouver ou à retrouver du travail, encore faut-il qu'ils soient appliqués !

 

Les aides à l'embauche pour travailleurs handicapés

 

Depuis 1987, la loi oblige les entreprises de plus de 20 salariés à recruter 6% de travailleurs handicapés dans l'entreprise. En cas de non-respect de cette obligation, elles doivent s'acquitter d'une contribution à l'Association de Gestion des Fonds pour l'Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées (l'AGEFIPH). Des aides existent telles que :

  • L'aide à l'insertion professionnelle qui octroie une somme de 2 000€ en cas d'embauche d'une personne handicapée de plus de 45 ans en CDI
  • L'aide financière annuelle pour une réduction du temps de travail d'un travailleur handicapé sur avis du médecin du travail

Georges-Eric Martinaux, directeur d'Handyjob, déclare lors d'une interview accordée à la journaliste de Sopress, Rozenn Gourvennec : "Nous avons placé 1 400 personnes dans les Alpes-Maritimes, sur tout type de poste, de l'agent d'entretien à l'ingénieur en informatique, en passant par le créateur d'entreprise. Tout poste peut être tenu par une personne handicapée, dès lors que les compensations du handicap sont mises en place". Un optimisme qui ne semble pas correspondre aux déboires professionnels de Robert qui aimerait trouver, depuis 15 ans, un emploi adapté à son handicap, pour prendre un nouveau départ.

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