Les seniors en France représentent la catégorie la plus touchée par le chômage. En effet, les plus de 50 ans représentaient près de 800000 demandeurs d'emploi inscrits en février 2014 devant les moins de 25 ans en deuxième position avec 540 000 inscrits. En 2013, le nombre de chômeurs de plus de 50 ans a augmenté de 80 000 personnes soit presque 50% de l'augmentation totale des 175 000 demandeurs d'emploi! Mais, commençons d'abord par définir le mot senior par rapport au marché du travail.
La définition du mot senior par rapport au travail :
Le terme senior vient du latin « senior » et signifie « plus âgé ». Ce mot senior est donc lié à l'âge d'une personne mais varie de façon subjective en fonction du contexte dans lequel il est employé. Dans le monde du travail, senior est employé pour les personnes de plus de 45 ans, celles qui sont en deuxième partie de carrière, alors que pour les organismes de recherche d'emploi, on devient senior à partir de 50 ans. On peut également définir un senior en fonction de l'âge légal de la pré-retraite à 55 ans ou à l'âge légal en vigueur à savoir 62 ans.
Les seniors bannis du monde du travail : mythe ou réalité ?
Nombreux sont les seniors qui, quand ils recherchent du travail, ressentent tous le même malaise. Ils se sentent, plus que toute autre catégorie d'actifs, rejetés et parfois même complètement inutiles dans un système productiviste qui ne veut plus d'eux. Il faut dire que les perspectives d'avenir sont de plus en plus sombres pour ces candidats à l'embauche, ignorés des entreprises. Une étude récente d' « À Compétence Égale » (association contre les discrimination à l'embauche et pour la promotion de la diversité dans l'emploi) le confirme : les préjugés ont la vie dure à l'encontre des quinquas dans les Directions des Ressources Humaines (D.R.H.).
Ce sentiment de discrimination à l'embauche correspond à une triste réalité : les DRH reconnaissent que l'âge est un frein à l'embauche dans 9 cas sur 10 et qu'il est le principal critère de sélection dans 8 cas sur 10. Cependant, les DRH se dédouanent de cette situation en précisant qu'ils proposent en moyenne 45% de candidats senior pour un poste à pourvoir. Beaucoup plus volontaires et entreprenants dans leur démarche, les cabinets de recrutement privés mettent en avant que 9 candidats aux tempes argentées sur 10 sont présentés à leurs clients et que l'âge n'est pas un critère de sélection. Le faible résultat constaté démontre une fois de plus que la décision finale des employeurs butte sur une question d'âge.
Les freins et les atouts liés à l'embauche des seniors
Pour 50% des entreprises, le coût du travail d'un senior est plus élevé (ancienneté, valorisation de l'expérience, problèmes de santé fréquents etc.). Ainsi, la tentation est parfois grande de pousser vers la sortie les seniors au profit des juniors moins coûteux en terme de salaires. D'autre part, les seniors sont plus difficiles à manager car moins flexibles et plus affirmés que les plus jeunes. Enfin, les seniors s'adaptent plus difficilement aux nouvelles technologies. A contrario, l'expérience et l'autonomie sont des atouts qui ne suffisent malheureusement pas à inverser la tendance. Ajoutons que contrairement aux idées reçues, les seniors font preuve d'une grande capacité d'adaptation (baisse de leur rémunération, changement de fonction, apprentissage d'un nouveau métier, déménagement pour raisons professionnelles etc.).
Des mesures insuffisantes pour inverser la courbe du chômage chez les seniors
Depuis janvier 2010, la loi oblige les entreprises françaises de plus de 50 salariés à mettre en place un plan d'action senior pour les salariés de plus de 50 ans. Ce plan comporte différents volets dont, le recrutement des travailleurs âgés, leur formation, la transition entre activité et retraite. Les entreprises qui ne respectent pas ces dispositions doivent s'acquitter d'une amende correspondant à 1% de la masse salariale. Si les entreprises respectent majoritairement ces dispositions, en revanche peu franchissent le Rubicon de l'emploi des seniors.
À l'instar des pays nordiques, la France met en place depuis 10 ans une politique de maintien des seniors dans l'entreprise : extinction de la préretraite publique, allongement de la durée du temps de travail ou encore réforme des retraites. Selon Bertrand Martinot, économiste, « la meilleure politique d'emploi des seniors est de reculer l'âge de la retraite ». Un prolongement d'activité certes mais qui ne s'accompagne d'aucun engagement sur le recrutement des seniors à long terme. Quant au contrat de génération qui, depuis sa création en mars 2013, associe l'embauche d'un jeune et le maintien d'un senior (tuteur) dans l'entreprise, il a permis un léger redressement du taux d'emploi des seniors mais reste nettement insuffisant pour améliorer durablement la situation.
Les seniors au chômage et la préretraite
Un rapport de l'Observatoire Français des Conjonctures Economiques (OFCE) publié en janvier 2014 précise que, « en France, la période de chômage des seniors est encore trop souvent considérée comme une préretraite par les employeurs, les salariés et la société ». Cette culture du départ anticipé a la vie dure et nombre d'employeurs s'accordent avec leurs salariés seniors pour accorder cette pseudo retraite (rupture conventionnelle du contrat de travail, plan de départ volontaire...) aux frais de Pôle emploi.
La France à la recherche de solutions pour endiguer le chômage des seniors
Michel Sapin, alors ministre du travail en 2014, voulait centrer une partie des efforts de son ministère sur la lutte contre le chômage des seniors en proposant diverses actions : accentuation de l'effort pour l'embauche des seniors par les contrats aidés, baisse des charges des entreprises qui embauchent des chômeurs dans le cadre du pacte de responsabilité, contrat de génération, réduction de la durée des indemnités de chômage de 36 à 24 mois, refonte du CDD senior créé en 2006... Malgré cela, rien à ce jour n'a permis de faire baisser le taux de chômage des seniors qui continue au contraire à augmenter. Aujourd'hui, dans la catégorie des 55/64 ans, moins d'une personne sur deux a un emploi (45%) et la situation ne cesse d'empirer.
Si en France on considère trop souvent les seniors en les caricaturant comme des « has been » pas assez performants, trop chers à employer et tout juste bons à mettre au rebut, les autres grands pays européens obtiennent de très bons résultats. À commencer par les pays nordiques (Suède, Danemark, Finlande) qui grâce à une mobilisation très importante dans les entreprises, structurées d'après le « modèle suédois », obtiennent les meilleurs résultats (73% des seniors travaillent en Suède soit 28 de plus qu'en France). L 'Allemagne, qui a pourtant la population la plus âgée d'Europe avec 20 millions de seniors, se place en deuxième position avec 61% de seniors en activité, contre 58% pour les Pays-Bas. Les Allemands manquent de main-d'oeuvre et n'hésitent pas pour remédier à cela à faire appel aux seniors.
Le chômage des seniors n'est pas une fatalité
Nous l'avons vu, le chômage des seniors est un mal récurrent en France et aucune des mesures adoptées ces dernières années n'a pu apporter des résultats significatifs et durables pour endiguer le phénomène. Cependant, des pays comme la Suède ou l'Allemagne réussissent à maintenir une large partie des seniors dans le monde du travail grâce à un consensus entre le gouvernement, les partenaires sociaux, les entreprises, les administrations, les associations... Des exemples dont la France devrait s'inspirer pour sortir de son inertie et changer les mentalités archaïques en matière d'embauche des seniors ! Dont acte !